Et si on parlait de...Crémation ou Inhumation ?
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Crémation ou inhumation ?

Dans cette nouvelle chronique nous accueillons Laurent Chancerelle, chef d’entreprise, à la tête de deux agences de Pompes funèbres à Vannes et à Saint Avé

Bonjour Laurent Chancerelle, vous êtes un expert des rites funéraires et aujourd'hui, de plus en plus de familles se posent la question : crémation ou inhumation ? Quelle est la tendance actuelle et pourquoi cette évolution ?


Laurent Chancerelle : Bonjour, en effet, nous assistons à un véritable changement de pratiques funéraires au cours des dernières décennies. Alors que l'inhumation, c'est-à-dire l'enterrement du corps dans la terre, était historiquement la norme en France, on observe une montée constante de la crémation depuis les années 1970. Cette pratique, qui était encore marginale il y a quelques décennies, représente désormais environ 40 % des choix funéraires. Les raisons de cette évolution sont multiples : d'abord, des facteurs pratiques et écologiques ont pris de plus en plus d'importance dans les choix des familles. La crémation nécessite moins d'espace que l'inhumation, ce qui peut être un avantage dans les zones urbaines où les cimetières sont parfois saturés. Ensuite, la gestion des cendres peut être perçue comme plus flexible, avec des possibilités comme l’inhumation dans un columbarium ou la dispersion en pleine nature. Cependant, cette évolution ne signifie pas que l'inhumation ait perdu sa valeur ou sa signification symbolique, bien au contraire.


Parlons justement de l'inhumation. Quels sont les aspects qui font que cette pratique reste encore ancrée dans nos traditions, et en quoi est-elle liée à un travail de deuil différent de celui offert par la crémation ?


Laurent Chancerelle : L'inhumation répond à une vision très ancienne de la mort, qui reflète un lien profond avec la terre. Enterrer le corps, c’est l’accompagner dans un processus naturel de retour à la poussière, un retour aux éléments, comme l’énonce le passage biblique "Tu es poussière et tu retourneras en poussière". Ce geste symbolique, souvent lié à la foi chrétienne, s’inscrit dans la croyance en la résurrection des corps. Mais au-delà de la foi, l’inhumation permet un rapport particulier au temps. La lente décomposition du corps en terre accompagne le travail de deuil de la famille, qui s’étale également dans la durée. C’est une manière de respecter le corps et de lui laisser le temps de "disparaître" physiquement, ce qui peut aider les proches à apprivoiser l’absence de la personne décédée. L’idée du corps qui se transforme progressivement en poussière correspond à un cheminement émotionnel long et profond.

De plus, l'inhumation est souvent perçue comme une manière d’offrir un lieu fixe de recueillement. Un cimetière devient un espace où la mémoire du défunt peut être honorée dans la continuité, à travers des rituels comme le dépôt de fleurs ou la visite régulière de la tombe.

Et la crémation, qui était auparavant associée à des mouvements athées, a également beaucoup évolué. Quelle est son histoire et pourquoi est-elle devenue une alternative plus largement acceptée aujourd'hui ?

Laurent Chancerelle : Vous avez raison, au XIXe siècle, la crémation était principalement soutenue par des courants laïcs et athées, en opposition à l’Église. À cette époque, choisir la crémation était une manière de manifester que l’on ne croyait pas en la résurrection des corps. L’Église, fidèle à ses convictions théologiques, a donc longtemps condamné cette pratique, car elle la voyait comme une négation des fondements de la foi chrétienne.

Cependant, avec le temps, les motivations pour choisir la crémation ont changé. Depuis les années 1960, la crémation a cessé d’être un acte symbolique anti-religieux. Les familles qui la choisissent aujourd'hui le font souvent pour des raisons écologiques — elle utilise moins d'espace et ne nécessite pas l’entretien d’une tombe — ou pour des raisons pratiques liées à la simplicité de l’organisation funéraire. L'Église catholique, reconnaissant que ces choix n'étaient plus en opposition directe avec ses croyances, a peu à peu toléré cette pratique. Depuis plusieurs décennies, elle accepte donc la crémation, bien qu'elle continue à exprimer une préférence pour l’inhumation, qui, selon elle, reste plus conforme à la foi en la résurrection des corps.

Quelles sont les étapes administratives à suivre, que l'on opte pour l'inhumation ou la crémation ?

Laurent Chancerelle : Que l'on choisisse l'inhumation ou la crémation, il est nécessaire de prévoir l’achat d’une concession dans un cimetière pour y enterrer soit le cercueil, soit l'urne. Une concession est un droit d’utilisation d’un terrain dans le cimetière pour une durée donnée, qui peut aller de quelques années à la perpétuité, selon le choix de la famille et les dispositions locales.

Il faut également répondre à certaines conditions pour pouvoir être inhumé dans un cimetière particulier. Par exemple, il faut soit y résider ou y avoir une concession familiale déjà existante, soit y être décédé. Ces règles garantissent que les cimetières restent des espaces dédiés aux communautés locales.

L’inhumation peut se faire en pleine terre ou dans un caveau. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre ces deux options ?

Laurent Chancerelle : L'inhumation en pleine terre est la forme la plus traditionnelle et la plus ancienne. Comme son nom l’indique, le corps est placé directement dans la terre, dans un cercueil. Cela permet une décomposition naturelle, en contact direct avec les éléments. Cette pratique est particulièrement significative pour ceux qui croient au retour à la poussière, car elle suit un processus naturel.

L'inhumation en caveau est différente : ici, la terre est d’abord creusée pour installer une structure en béton, qui délimite un espace hermétique. Le cercueil y est ensuite placé, et une dalle vient sceller l’ensemble. Ce type d’inhumation est perçu comme plus protecteur pour le corps, bien qu'il ne soit pas en contact direct avec la terre. Le caveau est souvent choisi pour des raisons familiales, car il peut accueillir plusieurs cercueils et constituer un lieu de repos commun.

Pour les personnes qui optent pour la crémation, quelles sont les options concernant la destination des cendres ?

Laurent Chancerelle : Après une crémation, les familles peuvent choisir plusieurs options pour les cendres. L’une des plus courantes est l’inhumation de l’urne dans une concession familiale, soit en pleine terre, soit dans un "cavurne" (une petite version d'un caveau spécialement dédiée aux urnes). Une autre option est le dépôt de l’urne dans un columbarium, qui est une structure composée de petites cases où l’on peut placer les urnes des défunts. Cela permet de garder un lieu de recueillement pour les proches.

Enfin, les cendres peuvent être dispersées en pleine nature ou en mer. La dispersion en pleine nature, dans un lieu significatif pour le défunt ou la famille, peut être une manière symbolique de libérer le corps. Pour la mer, il est recommandé d’utiliser une urne biodégradable et scellée, afin de permettre une immersion en douceur sans que les cendres soient dispersées de manière incontrôlable par le vent.

Est-il toujours possible de conserver l’urne chez soi ?

Laurent Chancerelle : Non, cela n’est plus autorisé depuis 2010. La loi stipule que les cendres doivent être déposées dans un lieu spécifique, comme un cimetière ou un columbarium. L'objectif est de préserver une distinction claire entre les espaces réservés aux vivants et ceux dédiés aux morts. Cela permet aussi à toutes les personnes qui le souhaitent de venir se recueillir dans un lieu commun, plutôt que de privatiser ce moment de mémoire. C’est un aspect important du deuil collectif.

Merci beaucoup pour ces explications précieuses qui permettent de mieux appréhender un choix parfois délicat à faire pour les familles.

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